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04 février 2011

Gastronomie traditionnelle (4) : Fotiaoqiang

Gastronomie traditionnelle (4) : Fotiaoqiang: "

Parmi les plats mythiques de la gastronomie chinoise traditionnelle, je vous propose de nous pencher aujourd’hui sur un plat dont le nom seul est de nature à faire rêver les moins gourmands : le Fotiaoqiang (佛跳墙 fó tiàng qiáng), littéralement : « Bouddha saute par-dessus le mur ». En effet, le fumet de ce plat est tel que le Bouddha réincarné, passant par hasard devant le mur d’enceinte d’une demeure dans laquelle ce mets est en train d’être dégusté, n’y résisterait pas, et sauterait par dessus le mur pour se joindre aux agapes.

On raconte sur ce plat l’histoire suivante : la deuxième année du règne de l’Empereur Guangxu de la dynastie des Qing (1899) (une autre version de l’histoire fait remonter les faits à l’année 1876), le directeur des finances de la ville de Fuzhou, dont l’histoire n’a pas retenu le nom, pour recevoir au mieux le vice-gouvernement de la province du Fujian, Zhou Lian, demanda à sa femme de se rendre en cuisine pour préparer elle-même un mets dont le supérieur hiérarchique se souviendrait. Il donna pour instruction de faire cuire à feu très doux, dans une jarre de terre cuite contenant du vin jaune de la ville de Shaoxing, ce que la cuisine avait de meilleur : viandes de poulet, canard et mouton, tripes de porc, œufs de caille et fruits de mer divers. Zhou Lian, fin gourmet, loua grandement ce plat, que le maître de maison avait baptisé Fushouquan (福寿全 fúshòuquán : bonheur et longévité sans bornes). Par la suite, le cuisinier de ce directeur des finances, un certain Zheng Chunfa, quitta la maison où il travaillait pour ouvrir son propre restaurant, le Juchunyuan, et proposa à ses clients le fameux « bonheur et longévité sans bornes ». Grâce à ce plat, son établissement acquit bientôt dans la ville de Fuzhou une réputation immense. Un soir, des lettrés enivrés, après s’être repus de ce délice, disant que ce plat était un tel délice que même le Bouddha, connu pourtant pour son insensibilité extrême aux plaisirs de ce bas-monde, ne résisterait pas à son fumet Et c’est de cette anecdote que viendrait le nom « fotiaoqiang » sous lequel de plat est aujourd’hui connu dans toute la Chine.

Il s’agit donc d’un plat issu de la tradition gastronomique de la cuisine du Fujian. La richesse de ses ingrédients et la complexité de sa préparation sont renommés.

Les recettes actuelles font entrer dans la composition du plat des ingrédients nombreux, dont les suivants : holothuries, abalones, ailerons de requin, noix de Saint-Jacques séchées, mâchoires de poisson séchées, poivre du Sichuan, couteaux (les coquillages), jambon de Jinhua, tripes de porc, jarret de mouton, pointes de pied de porc, tendons de porc, blanc de volaille, magret de canard, gésiers de canard et de poulet, champignons parfumés séchés (shiitake), pousses de bambou. Les versions que j’ai eu l’occasion de goûter à Taiwan contenaient en outre des œufs de caille et du taro. Traditionnellement, on dit que ce plat comporte 18 ingrédients principaux, et 12 ingrédients « auxiliaires ».

Tous les ingrédients sont d’abord cuisinés une première fois : certains bouillis, d’autres frits, d’autres encore sautés, etc. La préparation est des plus complexes. Ensuite, tous ces ingrédients préparés sont placés en couches alternées dans une jarre ayant servi à contenir du vin de riz jaune de Shaoxing. La jarre est remplie ensuite à ras-bord avec du bouillon et du vin de Shaoxing en quantités idoines.

La jarre entière, fermée, est ensuite longuement cuite au four au bain-marie pendant cinq à six heures. Le résultat est bien entendu babylonien !

La complexité du mets et la richesse des ingrédients sont telles que le prix de la portion de « fotiaoqiang » dans les établissements qui le proposent (ils ne sont pas nombreux) n’est pas à la portée de toutes les bourses.

Ce plat s’est cependant un peu « démocratisé », et je me souviens avoir dégusté un soir, sur un marché de nuit de Taiwan, du « fotiaoqiang » vendu en portions individuelles (dans de petites terrines), cuisant dans un appareil à bain-marie à tiroirs multiples spécialement conçu pour cela, dont la saveur ne pouvait bien entendu pas se comparer à la version orthodoxe de la bête, mais suffisante néanmoins à évoquer un souvenir ému au niveau de mes papilles gustatives…

(La photo ci-dessous vient d’ici.)



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