Depuis des semaines, pour ne pas dire des mois nous nous « battons », nous nous enflammons et nous discutons de l’avenir des marques italiennes que sont Fiat, Alfa Romeo et Lancia dans le cadre du projet industriel mis en place par Sergio Marchionne. Rebadging, semblant de restyling et hop, des américaines deviennent des italiennes pour les malheurs des italianophiles historiques ou pour le « bonheur » des italianophiles pragmatiques ! Chacun d’entre nous a son opinion sur l’affaire et seul les mois et les deux ou trois années à venir nous dirons si Sergio Marchionne a eu tort ou a eu raison. Mais ce jour, retour sur le rebadging à l’italienne, non pas chez Lancia, mais chez Alfa Romeo. Oublions quelques instant la fameuse Arna des années 1983-1987 pour faire un retour en arrière bien plus lointain puisque nous allons parler de rebadging milanais à la fin des années 50 et au début des années 60.
Fin des années 50, l’Europe se met en place et déjà les grands accords économico-industriels apparaissent avec la CECA ( Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier ) et on voit poindre l’Europe des 6 avec ses grands acteurs industriels. Dans le secteur automobile, la Régie ( RNUR ) dirigée par Pierre Dreyfus est un acteur important tout comme Fiat en Italie mais pas comme Alfa qui est sous le contrôle de l’IRI (l’Institutio per la Recostruzione Industriale ) et se singularise par sa renommée Giulietta 1900 qui fait le bonheur des amateurs de berline ( et ses dérivés ) sportive. Ainsi sous la gouvernance de l’IRI et du fameux Dottore Fascetti, on reêve chez Alfa de mettre à mal l’hégémonie de Fiat en produisant une petite berline populaire.
Alfa a cette époque dans ses cartons le fameux projet 103 qui est le projet d’une berline traction à moteur « performant » biarbre de 900 cm3 mais du coté de la direction d’Alfa on est frileux, on juge les investissements trop importants face au risque et on remise l’auto au placard. Reste une question, comment faire pour passer de 300 autos/ jours au double sans prendre un grand risque financier ou industriel ?
Le projet Tipo qui préfigure l’Alfasud des années 70. ( 900 cm3, DOHC, BVM4, traction, 52 ch, 725 kg, 130 km/h )
Dans le même temps, Renault cherche à élargir son marché et vise l’export ( hors des anciennes colonies qui sont entrain de disparaitre ! ). Aussi en 1958 et dans la plus grande discrétion Dreyfus et Fasceti se rencontrent plusieurs et avancent en douceur car Renault vient de subir un revers avec Innocenti ( NDLR : Au Lingotto, on menaçait Mr Innocenti de l’étrangler si il signait avec Renault ! ). Visant une rentabilité rapide, un risque minium, on prend donc la décision à l’IRI, en octobre 1958, de signer avec la RNUR. De cet accord nait la joint venture Renault-Italia sise à Milan qui va désormais pouvoir construire, distribuer et entretenir. Seule la filiale de la RNUR, Renault Italie se réserve la gestion des pièces détachées qu’elle fournit gracieusement au réseau Alfa Romeo.
Une belle Dauphine « rouge Alfa » !
C’est sur le site de Portello et aux côtés de la Giulietta que la Dauphine italienne est produite dès le mois de juin 1959 après l’inauguration en début de mois par Pierre Dreyfus, le Dr Fasceti et B. Bardocci. Le Dr Mangano, patron d’Alfa jusqu’en début 1959 pourtant réticent à cet accord n’y pourra rien et y laissera sa place ( accord mené sous la pression politique après la création de la CEE en 1958 . Fiat fait aussi pression en annonçant que l’arrivée de cette voiture mettra plus de 10.000 salariés du groupe au chômage avant le fin de l’année 1959 ( il n’en sera rien ! ) mais doit céder sous la pression des politiques qui promettent des aides à la Fiat qui est sous le contrôle de l’état comme Renault ou… Alfa.
L’Alfa Romeo Dauphine est un succès presqu’immediat puisque fin 1959, 6452 voitures sont vendues. en 1960, 20047 autos sont vendues, une version Gordini ( il y a donc eu des Alfa Romeo Gordini !! ) et la BVM4 sont proposées au catalogue. Pour tenter d’accroitre sa présence sur le marché, dans un pays et sur un marché en pleine croissance Alfa baisse les prix ( -18% ) pour mieux taquiner Fiat et sa 600. la fin d’année 1960, voit apparaitre l’Ondine en remplacement de la Dauphine et l’année 1961 verra la vente de près de 19.300 Alfa Romeo Ondine.
Hélas, dès la fin 1960, les choses se gâtent entre non pas les entreprises mais entre les réseaux de distribution car si Alfa Romeo joue le jeu et expose sans difficulté aucune la Dauphine ou l’Ondine dans les show room, il n’en est pas de même chez Renault , où l’on rechigne au jeu de la réciprocité et où l’on traine les pieds pour exposer des Giulietta. 1690 est aussi l’année du décès de Fasceti qui est remplacé à la tête de l’IRI par Giuseppe Petrilli, un ami proche de la puissante famille Agnelli et qui va jouer le rôle du cheval de Troie dans la joint venture Renault-Italia de façon à envenimer les affaires et les relations entre Alfa et Renault.
Mais les luttes intestines, le travail de sappe de Fiat, la mauvaise volonté de Renault Italie auront raison de l’Alfa Romeo Ondine qui voit ses ventes décliner dès 1962 et ce malgré les évolutions de l’Ondine avec un nouveau TDB noir, le compte tours sur les version S, les sièges inclinables, le volant « sport de la Renault Floride », les freins à disques dès 1964, de nouveaux tissus en laine façon de poule ( même tissu que sur la Giulietta ) !
1959 : 6.452 ex
1960 : 20.047 ex
1961 : 19.297 ex
1962 : 11.786 ex
1963 : 6.347 ex
1964 : 6.447 ex
1965 : 3.120 ex
1966 : 345 ex
Au total, ce sont 73.841 exemplaires de l’Alfa Romeo Dauphine ( puis Ondine ) qui sortiront des chaines de Portello tant en version R1090 ( moteur Ventoux 845 cm3, 30 ch puis 32 ch ) , R1091 ( Gordini forte de 37 ch ) puis R1093 ( 49 ch ). Les différences entre une Alfa Romeo Dauphine et une Renault Dauphine sont minimes et purement esthétiques puisque les autos arrivaient en pièces détachées depuis la France. Alfa Romeo travaillant beaucoup avec Carello, Magneti Marelli, FISPA. Outre le logo, on reconnait de prim’abord, l’Alfa Romeo à son combiné porte instrument avec indications en italien et au tissu des sièges spécifique à la version Alfa Romeo. Enfin pour enterrer la voiture, une taxe sur la cylindrée des autos finira par bel et bien tuer la voiture franco-ialienne.
Quelques illustrations vidéos de la Dauphine ( Alfa Romeo et Renault ) :
Et ci dessous la présentation officielle de la Dauphine 1093, une merveille de Renault en 1962.
http://www.ina.fr/video/I04250629/la-dauphine-1093.fr.html
Voilà de quoi se dire que l’Arna n’était pas forcément une erreur de parcours mais bel et bien un choix économique comme doivent l’être actuellement les Chrysler et les Dodge rebadgées au sein du groupe Fiat. Une manière de relativiser les choses quand on voit que cette Alfa Romeo Ondine ou Dauphine était surtout une Renault simplement équipée de badges italiens et équipées de quelques accessoires en provenance de sous traitants italiens. Puisque nous parlons de Renault, de Fiat et donc de Chrysler et Jeep, n’oublions pas qu’il y a quelques années, il y avait bien des Renault Jeep CJ 7 équipées simplement du bon vieux 2.1 L diesel de 60 ch. Alors si vous tombez sur une belle Alfa Romeo Arna 5 portes pas chère, n’hésitez plus ça va être collector !
Via renault, Alfa Romeo, Youtube, Dauphinomaniac.org, gazoline, INA.
Crédits photos : Imcdb, Baboon, Gazoline, Dauphinomaniac, Piccoligranderuote, AlfaRomeoClassique, AlfaVendée.
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Billet : Alfa Romeo : Dans la vie il n’y a pas que la Thema, la Flavia ou l’Arna, y’a aussi l’Ondine ! "
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