Il est des reprises qui ont du panache, il est des artistes qui ont du talent. Je m’explique : en 1955, Carl Perkins a la bonne idée d’écrire « Blue Suede Shoes ». Un an après, le génial Elvis Presley l’immortalise avec brio. Quant à sa face B, « Honey Don’t », elle est sympathiquement reprise par les Beatles en 1964. Restons dans le registre des Fab Four pour évoquer l’efficace «With A Little Help From My Friends », brillamment réinterprété par Joe Cocker en 1968, insufflant une énergie nouvelle dans cette chanson. Malheureusement, toutes les reprises ne se valent pas : l’intemporelle Studebaker Avanti, dessinée par Raymond Loewy, n’eut pas le privilège de connaître d’heureuses relances. Autant s’attarder sur l’originale.
Rapidement développée sous l’impulsion du président de Studebaker, fraîchement arrivé à son poste en 1961, l’Avanti avait pour vocation de sortir le frêle constructeur américain de son marasme. Aux grand maux, les grands remèdes et pour l’occasion, c’est encore à l’équipe de Raymond Loewy que l’on fait appel. Outre la Studebaker Champion qui fit l’objet d’un article y a peu, on doit notamment au concile de ce talentueux designer tout un tas d’objets de notre quotidien, des logos Shell et BP à celui de Newman, en passant par les locomotives Baldwin « Sharknose », le packaging des coups de chance des cancéreux en devenir, les restaurants du TWA Flight Center ou l’intérieur du Concorde. Autant dire que l’on n’a pas affaire à une bande d’amateurs.
Pour parvenir à ses fins, l’équipe de designers loua une maison dans les environs de Palm Springs afin de s’isoler en attendant d’accoucher du dessin de la voiture. Par ses proportions et sa simplicité, le résultat tranche avec les productions de l’époque, le style de l’Avanti semble plutôt d’inspiration européenne qu’américaine. Finies les lignes surchargées datant les voitures de la période du Président Eisenhower : l’ère Kennedy s’annonce comme un vent de fraîcheur stylistique sur les nouveautés automobiles américaines. La Lincoln Continental de 1961 en est d’ailleurs un parfait exemple. Quant à l’Avanti, flanquée d’un capot asymétrique, de phares ronds (à encadrement rectangulaires dès l’été 63) encadrés d’ailes proéminentes, elle ne ressemble à aucune autre voiture du moment. L’arrière est caractérisé par une lunette panoramique tandis que le profil recèle sans doute le détail le plus intéressant du véhicule : la ceinture de caisse cintrée singeant le design des bouteilles de Coca-Cola.
A l’intérieur, la voiture présente une planche de bord dotée d’une console centrale dont les formes et volumes évoquent ce que l’on retrouvait encore sur des voitures des années 80. Les commandes d’HVAC sont d’inspiration aéronautiques (référence qui ressort souvent dans le vocable des designers, on attend avec impatience qu’une voiture soit « inspirée du design des loges de conduites des MF67 de la RATP » pour changer). Trêve de plaisanterie, l’intérieur se veut moderne et regorge de détails intéressants comme des paddings au niveau de certains renforts de caisse (montant B notamment). Parmi les détails amusants, on notera une ouverture sur la plage arrière permettant d’accéder au coffre. Il faut dire que la banquette était fixe…
Sous le capot, un V8 4,7 litres de 240 chevaux propulse le coupé de luxe, tandis que des freins avant à disque (Bendix sous licence Dunlop) se chargent de ralentir la cavalerie. Un compresseur Paxton était disponible en option pour faire grimper la puissance à 289 chevaux. Clean Air Act n’étant pas encore né, une version réalésée développa 400 chevaux. Seuls 9 exemplaires en auront profité. La carrosserie quant à elle était réalisée en fibre de verre qui, à défaut d’être compatible avec de grands volumes de production, permettait de s’acquitter d’outillages bien moins onéreux que pour des emboutis en tôle. Le temps de développement s’en trouve d’ailleurs réduit. C’est l’équipementier MFG qui se chargeait de livrer les caisses assemblées et peintes à Studebaker. Faute d’une enveloppe budgétaire suffisamment large, le châssis est un carry-over du cabriolet Lark avec de menues modifications permettant d’interfacer la carrosserie spécifique de l’Avanti (et d’accroître la rigidité de caisse). Les suspensions étaient dérivées des Lark Wagon pour les lames arrières tandis que l’amortissement renforcé était issu des Lark de police. Un bel emballage, certes, mais un contenu technique qui laisse sur sa faim.
La première Avanti sort des chaînes en juin 1962, la fabrication prenant fin en… Décembre 1963. Je vous avais dit que Studebaker allait mal : l’Avanti en a rapidement fait les frais du fait de la fermeture du site de South Bend (Indiana), l’usine canadienne produisant les Lark ferma quelques mois après, sonnant le glas de la marque. Au total, 4647 Avanti sortirent des chaînes en un an et demi. Ca vous rappelle un coupé à carrosserie en composites doté d’un design spectaculaire et dont le cycle de vie a été éphémère ? Avanti, Avantime, avouez qu’il y a de quoi faire quelques analogies…
… A ceci près qu’à l’image du Christ, l’Avanti a ressuscité, une bande d’apôtres ayant acquis les outillages et les droits du véhicule : deux concessionnaires Studebaker, Nate Alman et Leo Newman, fondèrent l’Avanti Motor Corporation. Le moteur devint un bloc Chevy. L’Avanti II fut produite à la main entre 1965 et 1982. A partir de cette année, Stephen H. Blake reprend l’affaire et restyle la voiture (boucliers en plastique, notamment). Le processus de défiguration commence et continuera avec l’adoption de phares rectangulaires, tandis qu’un cabriolet apparaît en 1985. L’entreprise ne produit pas en 1986 et reprend l’année suivante, la voiture étant basée sur un châssis de Chevy Monte Carlo (fin du stock de châssis Studebaker). La décennie 90 voit la production s’arrêter pour reprendre en 2000 sur une base de Pontiac Trans Am ou Firebird. En 2005, c’est la Mustang GT qui donne ses organes.
Pour en avoir vu une exposée au salon JEC Composites en 2006, je peux vous affirmer que ces versions modernes ne trompent personne et se gardent bien d’avoir du cachet : l’Avanti sortait du lot en 1962, 50 ans après, il serait temps de passer à autre chose… C’est d’ailleurs ce qu’ils ont osé faire en 2003 : un Hummer recarrossé et badgé Avanti XUV (vous avez bien lu), c’est comme écouter « Dark Side Of The Moon » en lecture aléatoire, un crime passible de la peine de mort à mes yeux. Que l’auteur de cette sombre idée se dénonce, la justice de la République Démocratique de Blog Automobile saura s’occuper de son cas. Dieu est miséricorde, mais jusqu’à quel point ?
Au final, rendre hommage à l’Avanti ne résiderait sûrement pas en la greffe d’une face avant spécifique sur une Mustang mais en la création d’une voiture au design aussi innovant qu’il l’a été pour l’époque. Il est parfois bon de laisser le passé où il se trouve et d’aller de l’avant… Comme ils l’avaient fait il y a 50 ans. Tout le monde n’est pas doué pour les reprises.
Via le très complet site dédié à l’Avanti, cette page, le bon vieux Wikipedia, Car Pictures et plusieurs galeries Flickr. Passer commande ? C’est ici.
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Billet : Studebaker Avanti : the end has no end"